Les difficultés à transmettre les fermes, notamment en élevage, sont connues : la difficile accessibilité financière de certaines fermes, une inadéquation entre l’offre de fermes à reprendre et la demande des porteurs de projet (taille, type de production) et la faible attractivité du métier d’éleveur. Face à ces problématiques, certains cédants et/ou repreneurs choisissent une restructuration et une diversification des productions de fermes d’élevage pour assurer l’installation-transmission. Si le phénomène reste encore minoritaire, il a déjà fait ses preuves sur un certain nombre d’exploitations.
Quels sont les bienfaits socio-économiques et environnementaux de cette solution ? Quel est son coût ? Quels moyens pour rendre possible sa généralisation ? C’est à ces questions que répondent la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, la Fondation pour la Nature et l’Homme et Terre de Liens dans une étude publiée en octobre 2023, intitulée « Un horizon pour les fermes d’élevage : restructurer-diversifier ».
La méthode
Durant l’été 2023, les trois organisations ont mené différentes actions :
- Des entretiens avec des personnes travaillant dans des fermes restructurées : notre échantillon comprend 12 fermes, réparties dans plusieurs territoires à fort enjeu concernant l’élevage, et appartenant, avant la restructuration, à une des 4 principales filières d’élevage (bovins, porcins, avicoles ou ovins/caprins).
- Des entretiens avec des techniciens de chambres d’agriculture, de coopératives agricoles, de groupements de productions et d’organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR).
- Une analyse bibliographique (précédents travaux sur le sujet).
Les grands enseignements
La restructuration-diversification des fermes :
- Crée des emplois : dans l’échantillon, 3,4 fois plus de nombre d’ETP après la restructuration des fermes.
- Offre des conditions de vie et de travail améliorées : dimension collective permettant le développement de l’entraide dans le travail et le remplacement ou la rotation pour les astreintes inhérentes à l’élevage (week-ends libres, congés…). Les personnes enquêtées estiment leur épanouissement à 7/10 en moyenne.
- Favorise l’installation de porteuses et porteurs de projet, notamment non-issus du milieu agricole (NIMA), qui constituent près des deux tiers des candidats à l’installation.
- Accélère la transition agroécologique : l’ensemble des fermes restructurées de cet échantillon est en agriculture biologique et dans 10 des 12 fermes, il s’agit d’une conversion post-restructuration. Ces fermes sont plus autonomes pour l’alimentation des animaux.
- Contribue au dynamisme des territoires : elles participent toutes à des circuits courts et de proximité (AMAP, restauration collective, marchés locaux), organisent parfois des évènements sur leur ferme et contribuent à augmenter la population de certains villages ruraux.
- Contribue à la souveraineté alimentaire des territoires grâce à l’adoption de productions plus diversifiées et parfois déficitaires sur certains territoires (ex : production de fruits et légumes dans des territoires d’élevage).
Les principaux freins à la restructuration des fermes
Trois freins sont identifiés :
- Les investissements humains et financiers, notamment ceux associés à la reconception des bâtiments.
- La spécialisation des territoires dans certains types de productions, ayant pour conséquence une concentration géographique des outils d’abattage, de transformation et de distribution dans certains territoires et l’absence d’infrastructures dans d’autres.
- La fragilité des processus de transmission-reprise, qui peuvent être accrus en cas de changement complet de système et les difficultés liées à l’émergence et à la pérennisation des collectifs sur les fermes et associations d’agriculteurs.
Point de vigilance : la restructuration-diversification est une solution mais pas LA solution pour toutes les fermes d’élevage. Certaines fermes, bio, autonomes, résilientes, économiquement viables, peuvent / doivent être transmises en l’état !
5 recommandations faites aux décideurs
1. Lancer un réseau d’expérimentations de projets de restructuration-diversification avec un objectif d’au minimum une cinquantaine de fermes pilotes d’ici à la fin de la période 2024-2028.
2.Ajouter des scénarios de restructuration dans le diagnostic transmission, en cours d’élaboration dans le cadre du PLOAA, pour faciliter la transmissibilité des fermes et améliorer leur résilience.
3.Conditionner les aides à l’investissement à des critères de durabilité et en flécher une partie vers la restructuration-diversification des exploitations.
4.Déployer massivement les dispositifs de stockage foncier temporaire non lucratifs et dirigés vers la transition et y intégrer des dispositifs facilitant les restructurations.
5.Soutenir la consolidation des filières longues biologiques et le développement de filières territorialisées, afin de garantir des débouchés aux fermes qui se diversifient.