Pyrénées Orientales : conséquences de la sécheresse et pistes de sortie

Le 10 avril 2024, la FNAB, le Civam Bio 66 et le Syndicat des Nappes du Roussillon ont organisé une visite de terrain consacrée à la sécheresse dans les Pyrénées Orientales et ses conséquences sur les exploitations bio.

Le 10 avril 2024, la FNAB, le Civam Bio 66 et le Syndicat des Nappes du Roussillon ont organisé une visite de terrain consacrée à la sécheresse dans les Pyrénées Orientales et ses conséquences sur les exploitations bio.

Le contexte

Le département des Pyrénées Orientales connait une sécheresse historique, notamment induite par une réduction de moitié des précipitations en 2022 et 2023. Le déficit d’humidité des sols peut atteindre jusqu’à 90% par rapport à la normale. Le niveau des cours d’eau sont extrêmement bas, les barrages et retenues sont au mieux remplis à hauteur de 50% en sortie d’hiver. Les nappes souterraines n’ont pas non plus pu se recharger et connaissent un déficit historique.

En conséquence, le département a connu des restrictions sécheresse continues depuis 2023. Elles se traduisent dans l’agriculture, le plus souvent, par une obligation de restriction de 50% des prélèvements.

Les conséquences pour l’agriculture

Jacques produit des kiwis, noix de pécan, figues et abricots en bio sur 5ha. Christèle produit des légumes et des kiwis sur 15ha en bio. Tous deux témoignent des difficultés engendrées par la sécheresse :

  • Baisses de rendement : passage de 4 à 0.1T de rendement/ha pour la production de kiwis dans le cas de Christèle
  • Baisses de calibre entrainant des problèmes de débouché
  • Mortalité des arbres
  • Mortalité des haies et autres infrastructures agroécologiques, avec des conséquences sur la présence des auxiliaires de culture
  • Incertitude sur l’accès à l’irrigation
  • Stress pour les exploitants

Les exploitations voient donc baisser leur chiffre d’affaires, de 20% dans le cas de Jacques.

Schema conséquences de la secheresse sur l'agriculture

Ces difficultés sont accentuées par les mesures de gestion et de restriction liées à la sécheresse :

  • Les redevances liées à l’irrigation ont augmenté : de 125% dans le cas de Christèle
  • Les restrictions sécheresse s’imposent à toutes les exploitations de manière uniforme (-50% de prélèvements), sans prendre en compte les systèmes déjà économes.
  • Les infrastructures (forage, canaux, etc.) offrent un accès à l’eau hétérogène (en fonction par exemple de l’entretien des canaux ou de la profondeur des captages), créant de l’incertitude sur la capacité à irriguer

L’agronomie, une piste pour tempérer les effets de la sécheresse

Le projet EDTAPES (Expérimentation et Diffusion de Techniques Agricoles pour la Préservation des Eaux Souterraines) est mené par le Civam Bio 66, piloté par le Syndicat des Nappes du Roussillon et financé par l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse.

Un échange d’expériences entre agriculteurs sur la base d’une expérimentation est actuellement en cours pour identifier des pistes de solutions afin de répondre aux besoins techniques de la profession, sur les filières maraîchage, arboriculture et viticulture.

Pour le maraîchage, on mesure par exemple les effets de différents types de couverture de sol en comparant le champost (paillage organique issu du compostage de champignonnières) au paillage plastique. L’objectif est de favoriser la rétention en eau et la fertilité du sol, afin d’optimiser le rendement des cultures tout en préservant au maximum la ressource en eau.

En arboriculture, sur une parcelle d’abricotiers avec la mise en place d’un mulch de Broyat Vert Criblé sur le rang. L’essai mis en place cherchera à évaluer l’impact de cette pratique pour :

  • Augmenter la fertilité globale de son sol (physique, chimique, biologique)
  • Optimiser voire réduire ses apports d’irrigation
  • Réduire ses apports en fertilisants bio issu du commerce

En viticulture, l’objectif est de démontrer qu’il est possible d’améliorer la capacité de rétention en eau du sol, et donc la résilience du vignoble, avec l’emploi de matières organiques. Concrètement les objectifs sont d’évaluer la capacité de rétention en eau du sol selon les amendements (Compost, Compost +Biochar, déchets verts) et d’évaluer l’impact sur la vigne selon ces amendements.

Autres actions du CivamBio66 en faveur de la rétention en eau des sols

  • Mise en place de plateforme de compostage à la ferme. En partenariat avec le Sydetom66. Programme d’inclure du SPA3 (Biodéchets et sous-produits animaux)
  • Couverts végétaux en viticulture : Résilience de la vigne face à la sécheresse – Retour sur des essais menés dans l’arc méditerranéen
  • Hydrologie régénérative* : le CivamBio66 a organisé une formation dont l’objectif général était de comprendre les bases de l’hydrologie régénérative

Partage, gestion de l’irrigation, infrastructures : la politique publique conditionne les adaptations les plus structurantes

De nombreux projets d’infrastructure sont en réflexion pour optimiser, retenir ou transférer de l’eau :

  • Construction de nouveaux ouvrages de stockage : cette perspective est questionnée car les barrages actuels n’ont pas pu se remplir à cause du déficit de précipitations
  • Réutilisation des eaux usées : leur pertinence est circonscrite aux stations d’épuration littorales
  • Transfert : une réflexion est en cours sur l’extension de l’infrastructure Aqua Domitia, acheminant déjà de l’eau du Rhône. Une telle infrastructure prendra cependant plusieurs années d’étude et de construction.
  • Des expérimentations sont en cours concernant la recharge des nappes via l’utilisation des canaux traditionnels d’irrigation gravitaire

Ces projets ne peuvent pas répondre à court terme à la situation des exploitations agricoles du département.

A l’heure actuelle, il n’existe pas de gestion collective de l’irrigation dans les Pyrénées Orientales, malgré son classement en Zone de Répartition des Eaux. De plus, malgré une campagne de régularisation des forages non déclarés, de nombreux points de prélèvements agricoles restent inconnus des gestionnaires. Dans ce contexte, il est difficile de piloter finement les restrictions et la répartition de l’eau entre les différents usages. Les agriculteurs et agricultrices bio rencontrés se sentent pénalisés par des restrictions reposant sur des réductions relatives (le plus souvent une réduction de 50% des volumes prélevés par rapport à la normale) pénalisant les exploitations mettant déjà en œuvre des pratiques de sobriété, au bénéfice des plus gourmandes en eau.

Des pistes de sortie : adapter, partager, aménager

En conclusion, bien que les Pyrénées Orientales connaissent un épisode de sécheresse historique, des marges de manœuvre existent pour envisager l’adaptation du territoire. Conformément aux positions du réseau FNAB :

  • Adapter les fermes, les filières et les pratiques vers des modèles plus sobres en eau, comme l’expérimente le CivamBio66
  • Mettre en place un partage effectif de l’eau, ce qui passe d’abord par une amélioration de la connaissance des prélèvements et la mise en en place d’une gestion collective de l’irrigation transparente et incluant une diversité de représentations de l’agriculture
  • Le cas échéant, réfléchir au développement d’infrastructures permettant de sécuriser des volumes d’eau pour l’agriculture dans le cadre d’un Projet Territorial de Gestion de l’Eau

*L’Hydrologie Régénérative est la science de la régénération des cycles de l’eau douce par l’aménagement du territoire. Elle se veut rassembler toutes les approches visant à restaurer massivement le cycle de l’eau par l’aménagement de territoires et agroécosystèmes qui cherche à : Ralentir, Répartir, Infiltrer et Stocker toutes les eaux de pluie et de ruissellement, et Densifier sa végétation multifonctionnelle, cultivée ou non, pour améliorer leur résilience face à nombre de problématiques liées à l’eau » et la source : https://hydrologie-regenerative.fr/

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