L’ordonnance verte de la ville de Strasbourg

Retour sur l’origine d’un dispositif unique en France qui permet aux femmes enceintes d’accéder gratuitement à des paniers de légumes bio.

Alexandre Feltz est adjoint à la mairie de Strasbourg en charge de la santé publique et environnementale. Médecin généraliste et enseignant à la faculté de médecine de Strasbourg, il est l’instigateur de l’Ordonnance verte, un dispositif qui permet aux femmes enceintes d’accéder gratuitement à des paniers de légumes bio. Pour la FNAB, il a accepté de revenir sur l’origine et les atouts de cette initiative unique en France. 

Flyer Ordonnance verte

Origine du projet

Le projet d’ordonnance verte est né en 2022 dans le cadre d’une stratégie de lutte contre les perturbateurs endocriniens. « Je me suis appuyé sur les connaissances scientifiques concernant les perturbateurs endocriniens dont on sait aujourd’hui qu’ils sont des accélérateurs dans la survenue de nombreuses maladies et qu’ils provoquent des troubles de la fertilité chez les hommes comme chez les femmes, avec des répercussions potentielles sur plusieurs générations. Les pesticides chimiques utilisés en agriculture, de même que de nombreux additifs présents dans les produits transformés sont réputés être des perturbateurs endocriniens » explique l’élu. 

En lien avec le Réseau Santé Environnement, la ville de Strasbourg a signé la charte « villes et territoires sans perturbateurs endocriniens » et l’ordonnance verte est un des outils déployés dans le cadre de la stratégie de lutte contre l’exposition aux perturbateurs endocriniens.

La maire écologiste de Strasbourg, Jeanne Barseghian, a vite adhéré au projet car c’était aussi un bon moyen de sensibiliser la population à l’agriculture biologique et aux enjeux des circuits courts. Une première expérimentation auprès de 100 femmes a pu être lancée dès 2019.

Un travail d’équipe

Plusieurs élus se sont activement mobilisés au côté d’Alexandre Feltz pour mener à bien cette initiative : l’élu en charge des questions agricoles et alimentaires, mais aussi l’élue à la solidarité ou encore celle en charge de la petite enfance. De même, différents services ont été amenés à collaborer (santé, action sociale, commande publique, jeunesse et éducation…), avec un co-pilotage assuré par les deux services hygiène et santé environnementale et santé & autonomie.

Au-delà de l’équipe municipale, la mise en œuvre du dispositif s’appuie beaucoup sur les professionnels de santé qui prescrivent l’ordonnance verte, ainsi que sur les sages-femmes de la PMI, les associations d’éducation populaire, ou encore la caisse primaire d’assurance maladie du bas Rhin, qui joue un rôle important pour sensibiliser les personnes qui ont des problèmes de santé et rencontrent des difficultés sociales. 

Fonctionnement du dispositif

L’ordonnance verte vise à proposer gratuitement des paniers de légumes bio hebdomadaires à toutes les femmes enceintes de la ville, sur une durée de 2 à 7 mois selon le quotient familial. 800 femmes ont déjà bénéficié du dispositif et il sera élargi de façon à toucher 1500 femmes chaque année sur la période 2024-2026. 22 points de distribution et 26 créneaux horaire ont été mis en place sur la semaine pour faciliter la récupération des paniers.  Outre la livraison hebdomadaire de légumes bio, le dispositif prévoit deux ateliers de sensibilisation sur les perturbateurs endocriniens et sur l’alimentation biologique.

La dépense pour les paniers de légumes bio s’est élevée à 270 000 euros la première année, avec plus de 16 000 paniers distribués. En plus de la participation financière directe de la ville, le dispositif est cofinancé maintenant par l’ARS et le régime local d’assurance maladie Alsace-Moselle.

Chiffres clés ordonnance verte

Les légumes proviennent de la ferme Saint André située à une vingtaine de kilomètres de Strasbourg et qui dépend de la Fédération de Charité Caritas Alsace. Cette dernière a été retenue dans le cadre d’un marché public. Il s’agit d’une entreprise d’insertion qui emploie 12 salariés, avec des embauches récentes en 2024. Elle produit les légumes bio, confectionne et assure la livraison des paniers. Un deuxième attributaire, Les jardins de la montagne verte, a été choisi en cas d’impossibilité de la ferme Saint André. 

Un bilan très positif

« Plusieurs études, via des focus groupes et des questionnaires, montrent un très bon niveau de satisfaction de la part des bénéficiaires. 90% des personnes disent vouloir continuer à manger bio à la fin du dispositif » se réjouit Alexandre Feltz. « L’intérêt, c’est que le dispositif ne touche pas seulement les femmes, il irrigue l’ensemble du foyer et représente de ce fait un formidable levier en termes de sensibilisation et d’éducation à l’alimentation. Nous avons ainsi pu toucher des personnes qui n’avaient jamais mangé de produits bio » se réjouit l’élu. 

Nous avons pu toucher des personnes qui n’avaient jamais mangé de produits bio.

Et demain ?

La ville est soucieuse de préparer la sortie du dispositif en faisant en sorte d’informer les bénéficiaires sur les différentes solutions, telles les AMAP, qui s’offrent à eux localement pour continuer à consommer les légumes bio. 

« Avec l’association Bio Grand Est, nous travaillons sur le dispositif « A Table », qui touche 70 foyers et permet à des femmes en situation de précarité d’accéder à des paniers bio à moindre coût et de participer à des visites de fermes et à des ateliers culinaires » explique l’élu. 

Du sport et du bio pour la santé

Il faut rappeler que la ville de Strasbourg, toujours sous la houlette d’Alexandre Feltz, a aussi été la première ville de France à promouvoir l’activité physique à valeur thérapeutique, notamment pour les femmes enceintes. Ainsi, elle a développé le dispositif « Sport santé sur ordonnance » en 2012. Pour l’élu « les deux dispositifs Ordonnance verte et Sport santé s’irriguent l’un l’autre ». 

La ville de Strasbourg est aujourd’hui contactée par de nombreuses collectivités qui souhaitent reproduire chez elles ces actions en faveur de la santé publique, des circuits courts et de l’agriculture biologique. Espérons que l’Ordonnance verte fera bientôt des petits !

Article écrit par Delphine Ducoeurjoly, chargée de mission territoires (FNAB)

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