Territoires Bio Pilotes : la parole à Mathilde Roussel (Agglomération de La Rochelle)

Témoignage d’élue | Avec son Projet Alimentaire de Territoire ambitieux, l’Agglomération de La Rochelle multiplie les initiatives pour encourager le développement de l’agriculture biologique sur son territoire.

Présentez-vous, vos mandats au sein de l’Agglomération et de la ville de la Rochelle

Je suis actuellement Vice-Présidente à la Communauté d’Agglomération de La Rochelle, en charge du Projet Alimentaire de Territoire, Agriculture péri-urbaine et circuits-courts alimentaires, et Vice-Présidente au Projet Alimentaire de Territoire au sein du Scot (échelle du PAT). Je suis aussi conseillère municipale déléguée à la restauration scolaire de la ville de La Rochelle.

Sur le plan professionnel, je suis issue du milieu de l’aménagement, du logement, de l’urbanisme et de l’architecture. Les questions autour du développement durable m’ont toujours été chères. Si je les abordais auparavant par le prisme de l’habitat et de la construction, mes mandats d’élue me permettent aujourd’hui de les appréhender sous un angle nouveau, mais néanmoins complémentaire, en abordant la fonction nourricière des territoires.

Quels sont vos objectifs, vos ambitions en matière de transition agricole et alimentaire sur votre territoire ?

Nous avions donc à cœur de promouvoir la santé à 360°, en lien avec le concept “One Health” ou “Une seule santé”

Sur le territoire, nous avons de nombreuses alertes sur le volet santé liées à l’agriculture : fermeture de captages d’eau, problématique de qualité de l’air… Nous avions donc à cœur de promouvoir la santé à 360°, en lien avec le concept “One Health” ou “Une seule santé” : santé des consommateurs, santé du producteur (économique et biologique), mais aussi santé du vivant (eau, air, sols, biodiversité). Toutes nos actions s’appuient sur ce principe que l’on a ensuite cherché à préciser et à concrétiser au travers d’objectifs plus précis parmi lesquels : 

  • Développer la consommation bio locale dans les restaurants scolaires sur tout le territoire du PAT pour passer à 50% en moyenne de produits labellisés dont 40% de produits bio et locaux ;
  • Tripler la surface agricole en bio du PAT (4 EPCI), qui est actuellement de 6% (sur la Communauté d’Agglomération de la Rochelle cette surface dépasse les 10%) ;
  • Doubler la surface de maraîchage bio (y compris en légumes de plein champ), pour arriver à une plus grande diversité de cultures sur le territoire qui est à 80% tourné vers les grandes cultures ;
  • 0% de pesticides en 2030 et arrêt des produits classés CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques) en 2025, en conformité avec les objectifs Néo Terra de la Région Nouvelle Aquitaine.

La stratégie se déploie dans notre Projet Alimentaire Territorial qui réunit, au sein de son comité de pilotage et de son comité technique, la Communauté d’Agglomération de La Rochelle, les Communautés de Communes Aunis Sud et Aunis Atlantique, l’Ile de Ré, la Chambre d’Agriculture Charente-Maritime-Deux Sèvres, Bio Nouvelle Aquitaine et le Port de pêche de La Rochelle.

Un des enjeux était d’embarquer le plus de monde possible : citoyens, associations, GMS, distributeurs, restaurants collectifs, etc. Cela s’est traduit par la mise en place d’un “Parlement” qui se réunit deux fois par an en Assises auxquelles tous ceux qui le souhaitent peuvent participer. Il rassemble 100 à 150 personnes réparties dans une dizaine de groupes de travail thématiques.

Précarité alimentaire, maraîchage, accès au foncier, gestion de l’eau, restauration collective, sensibilisation…chaque groupe de travail dispose d’un référent issu du comité technique et d’un référent désigné par le groupe de travail.

Comment se traduisent ces ambitions dans les documents de politiques publiques (délibérations, textes cadres, divers outils de planification) ?

Notre PAT est le socle sur lequel nous nous appuyons pour assurer la mise en cohérence de l’ensemble de nos documents de planification. Le SCoT par exemple, comprenait très peu d’éléments sur l’agriculture. Aujourd’hui il est devenu un document déterminant pour concrétiser notre stratégie foncière et la qualification et quantification des terres agricoles. De la même façon, nous avons repris des orientations du PAT dans notre PCAET (plan Climat-Air-Energie territorial). On peut citer également le dispositif La Rochelle Territoire Zéro Carbone, qui dispose d’un volet sur l’agriculture et l’alimentation.

Notre politique locale doit aussi être mise en cohérence avec les orientations et obligations qui viennent du national. Ainsi, la mesure Zéro Artificialisation Net (ZAN) issue de la loi Climat et résilience est retranscrite dans les Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) puis dans les SCoT qui orientent les Plans Locaux d’Urbanisme Intercommunal (PLUi).

Le SCoT est un document déterminant pour concrétiser notre stratégie foncière et la qualification et quantification des terres agricoles.

Outre cet effort constant de mise en cohérence des documents de planification avec les orientations du PAT, on veille aussi à bien articuler l’action de nos différents services pour gagner en efficacité. Ainsi, les services Agriculture et Alimentation et Santé travaillent ensemble sous la direction “TERE” (Transition, environnement, résilience, énergie) et en collaboration avec le service Eau.

Décrivez 3 actions phare que vous portez en faveur du développement de l'agriculture biologique sur l'Agglomération de La Rochelle

Nous avons à cœur d’investir dans les filières aux côtés des agriculteurs afin qu'ils ne soient pas les seuls à prendre tous les risques

Restauration collective

On se penche actuellement sur la mise en place d’un groupement de commandes (comme à Rennes avec Terres de sources) pour l’achat d’une prestation de service environnemental sur la qualité de l’air et de l’eau. Nous souhaitons ainsi sécuriser les débouchés de nos agriculteurs en restauration collective (restaurants scolaires, EHPAD et établissements de santé) en leur garantissant des volumes minimums et des prix cohérents.

Par ailleurs, sur la Ville de La Rochelle, nous avons 26 groupes scolaires qui disposent chacun d’une cuisine où sont élaborés les repas. Tous les restaurants sont alimentés par un magasin central appartenant à la ville qui assure la livraison des sites. Notre projet aujourd’hui vise à adosser une légumerie au magasin pour permettre aux personnels de gagner en temps et en pénibilité sur le lavage et l’épluchage des légumes. On prévoit à terme d’ouvrir cette plateforme magasin-légumerie à d’autres acteurs afin qu’ils puissent eux-aussi bénéficier de ses services.  En tant que collectivité, nous avons à cœur d’investir dans les filières aux côtés des agriculteurs afin que ces derniers ne soient pas les seuls à prendre tous les risques.

Préservation des terres agricoles

On s’appuie sur le SCoT et le Zéro Artificialisation Net pour assurer la préservation des terres agricoles. Pour cela, on a commencé par faire un diagnostic du foncier agricole sur l’agglomération de La Rochelle, étendu aux deux EPCI voisines.  Ce diagnostic, précis et qualitatif, nous dira, selon les cultures envisagées, la nature des sols et l’état de la ressource en eau, quelles sont les terres les plus favorables, qu’il convient de protéger en priorité. Cela permettra d’engager une discussion avec les agriculteurs et de réfléchir à la mise en place de dispositifs tels que les Zones Agricoles Protégées (ZAP) ou les PAEN.

Une veille quotidienne est également en place avec les SAFER afin que nous puissions acquérir des terres sur le point d’être cédées et tenter d’y installer des porteurs de projet. Nous sommes d’ailleurs en capacité de proposer à ces derniers un accompagnement technique, juridique et économique.

Nous mettons également en place des espaces test agricoles et allons à la rencontre des céréaliers pour savoir s’ils sont intéressés pour mettre une partie de leur foncier à la disposition de maraîchers en parcours d’installation.

Un diagnostic, précis et qualitatif, pour définir quelles sont les terres les plus favorables et qu’il convient de protéger en priorité

Sensibilisation à l’alimentation durable

Nous travaillons avec les associations locales, par exemple le Collectif des Fermes Urbaines sur les chantiers participatifs “Ramène ta fraise” ou l’association Aux arbres citoyens. De plus, nous accueillons beaucoup d’événements à La Rochelle et nous veillons à ce qu’un travail soit conduit systématiquement sur l’alimentation, en cohérence avec notre politique publique. 

Qu'est-ce qui a motivé votre adhésion au réseau des Territoires Bio Pilotes ? Qu'est-ce que cela vous apporte ? Quelles sont vos attentes ?

En tant que PAT en émergence, nous avions besoin de croiser nos idées et nos projets avec d’autres territoires plus expérimentés, de comparer notre stratégie avec ce que font les autres. On est très satisfaits de notre participation à ce réseau car il représente un fort soutien, non seulement sur le plan technique, mais aussi pour nous donner l’envie d’agir. Les deux journées de rencontre des Territoires Bio Pilotes les 15 et 16 novembre derniers sur la métropole de Montpellier et Pays de l’Or Agglomération ont été très denses, et c’est tant mieux. Cela nous a permis de voir beaucoup de choses, et de pouvoir échanger avec d’autres collectivités sur les sujets qui nous intéressent et nous préoccupent dans nos missions d’élu(e) et de chargé(e) de mission au quotidien.

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