Présentez-vous, votre origine professionnelle, votre mandat au sein de Douaisis Agglo
Jean-Luc HALLÉ, maire d’Hamel, une commune rurale du Douaisis. J’ai débuté ma carrière en intégrant l’éducation nationale et exerçant le métier de professeur de français et d’Histoire pendant 40 ans. En 1982, je m’engage en politique et suis élu à la succession de mon père en tant que maire du village d’Hamel. Je poursuis ma carrière d’élu en devenant Vice-Président du Syndicat Intercommunal de la Région d’Arleux, en charge des questions environnementales, puis en qualité de Président en 1995. À la création de DOUAISIS AGGLO, en 2002, je deviens Vice-Président avec pour délégation les questions environnementales puis agricoles, à travers la Trame Verte et Bleue, la Transition Agricole et Alimentaire, les mobilités douces et la gestion et la propreté des espaces verts. En parallèle, je poursuis mes engagements dans la défense de la ruralité et pour l’emploi des jeunes, qui m’ont amené à participer à la création de la mission locale en 2002 que je préside.
Quels sont vos objectifs, vos ambitions en matière de transition agricole et alimentaire sur votre territoire ?
En 2023, nous avons été accompagnés par Solagro, dans le cadre du programme TETRAA de la Fondation Carasso, pour réaliser une prospective territoriale de notre agriculture et notre alimentation dans le Douaisis à horizon 2050. À la suite de deux ateliers de concertation territoriale, nous avons abouti aux objectifs suivants pour notre territoire en 2050 :
D’ici à 2050, nous souhaitons développer des cultures qui répondent aux besoins des habitants.
L’évolution des pratiques culturales
En effet, en 2020, le potentiel nourricier du territoire est de 27%. De fait, d’ici à 2050, nous souhaitons développer des cultures qui répondent aux besoins des habitants, en diversifiant les grandes cultures et développant les cultures maraîchères et fruitières :
- 30% des surfaces agricoles en Agriculture Biologique (3% en 2020)
- 10% des surfaces agricoles en Conventionnel (95% en 2020)
- + 300ha en cultures maraîchères (900ha en 2020)
- Multiplication par 4 des surfaces en fruits (8ha en 2020)
Le changement des pratiques alimentaires :
A l’horizon 2050, nous souhaitons accompagner la diversification des sources de protéines des consommateurs du territoire :
- 35% de gros mangeurs de protéines animales (55% en 2020)
- 30% de petits mangeurs de protéines animales (7% en 2020)
- 10% de végétariens/végétaliens (4% en 2020)
Comment se traduisent ces ambitions dans les documents de politiques publiques (délibérations, textes cadres, divers outils de planification) ?
Dès la création de DOUAISIS AGGLO, il y a une volonté politique forte de replacer le monde agricole au cœur du projet de territoire.
Par le biais de diagnostics partagés, de temps de concertation fondés sur la méthode du dialogue territorial avec les acteurs volontaires et de mises en œuvre d’actions pilotes concrètes, trois programmations ont été co-construites :
- AGRICAD: Programmation agricole, en vigueur depuis 2010, actualisée en 2019, tournée vers les agriculteurs, pour l’amélioration de leurs pratiques dans un souci de viabilité économique et écologique ;
- BIOCAD : Plan de développement de l’agriculture et de l’alimentation biologiques sur le territoire, lancé en 2016 après deux années de concertation ;
- ALIMCAD : Programme d’actions alimentation-santé-environnement, davantage tourné vers les « consommateurs », coconstruit en 2016 et 2017. Dans cette politique est notamment développé un programme d’actions dédié à la lutte contre les perturbateurs endocriniens.
Il y a une volonté politique forte de replacer le monde agricole au cœur du projet de territoire.
Chaque programmation dispose de sa temporalité et son espace de gouvernance (COPIL, groupes techniques). Les COPIL sont des rendez-vous où les partenaires se rencontrent, échangent sur leurs actions et font émerger des sujets de terrain et de nouveaux enjeux. Les élus sont intégrés dans ces espaces, tout comme les partenaires institutionnels, les structures d’accompagnement, les associations locales, le monde de la recherche et de l’éduction, etc…
Ces 3 programmations forment le Projet Alimentaire Territorial de DOUAISIS AGGLO, officiellement reconnu une première fois par le Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt en 2017. La reconnaissance de niveau 2 du PAT a été renouvelée en 2021, pour 5 ans. Il est reconnu pour tous les acteurs du territoire car ce PAT appartient à tous les acteurs du territoire qui le font vivre et qui mènent des actions en faveur du système alimentaire territorial du Douaisis.
En 2023, nous avons intégré le Contrat d’Actions pour la Ressource en Eau (CARE) de l’aire d’alimentation de captage de Férin dans le PAT, les pollutions diffuses de cette AAC étant principalement liées à l’activité agricole, notamment un herbicide. Cette intégration permet au CARE d’être au plus proche des actions agricoles qui répondent à ces problématiques et de s’inscrire en complémentarité de la politique BIOCAD.
Le PAT et ses différentes programmations intègrent de manière opérationnelle les autres services de l’Agglo (espaces naturels, jardinage au naturel, sensibilisation au développement durable, gestion du foncier, …).
Décrivez 3 actions phares/emblématiques que vous portez en faveur du développement de l’agriculture biologique
Les aides financières
- En 2011, nous avons développé une aide à l’installation de très petites exploitations agricoles (ATPEA), afin de répondre à la nécessité de pérenniser les exploitations et les emplois agricoles sur le territoire, de renforcer les circuits-courts et de favoriser une alimentation durable et accessible à tous. Cette aide a soutenu l’installation de 5 producteurs bio (sur 9 dossiers délibérés depuis 2011), représentant 44 942€ d’aides versées par la collectivité.
- En 2019, nous avons renforcé notre aide financière avec la création de deux nouvelles aides agricoles :
- L’aide Tremplin Bio en Douaisis, une aide incitative à la conversion bio, motivée par les incidences positives du développement de la production biologique sur le territoire, d’un point de vue économique et environnemental (protection de la ressource en eau et de la biodiversité). Elle a soutenu 10 agriculteurs dans leur conversion et représente 107 000 euros versés par la collectivité depuis 2019.
- L’aide à la création de CUMA sur le territoire, afin de favoriser la mise en collectif des agriculteurs. Une CUMA mixte bio et conventionnelle s’est créée grâce à cette aide de 20 000€.
Le foncier communautaire et communal comme levier de l’AB
- La zone test à l’Agriculture Biologique : valorisation de terres qui ont vocation à être construites pour le développement de l’AB
Nous avons mis à disposition de trois exploitations, trois parcelles afin qu’elles se testent en grandes cultures en agriculture biologique sans prise de risque sur leurs fermes. Un accompagnement gratuit par des partenaires techniques (Bio en Hauts-de-France et la Chambre d’Agriculture) leur a été proposé. Cette zone test a permis aux agriculteurs de conforter leur projet de conversion et de renforcer cette dernière, voire l’accélérer. En effet, elle a eu un effet levier en permettant la conversion de 301ha en agriculture biologique en 4 ans sur le territoire et en favorisant le collectif avec la création d’une CUMA à l’initiative des producteurs de la zone.
Cette action repose sur la mobilisation de foncier en attente d’urbanisation et est reproductible. Nous avons actuellement un nouveau projet de zone test en AB.
- L’installation de porteurs de projets sur des terrains communautaires avec l’exemple du Jardin de Cocagne sur 4,7ha
Douaisis Agglo a aménagé un Ecoquartier situé sur une aire d’alimentation de captage d’eau potable. Afin d’agir en faveur de la protection de la ressource en eau, nous avons permis, avec l’aide de nos partenaires, l’implantation d’un projet d’insertion professionnelle par du maraîchage biologique sur 4.7ha de foncier communautaire. Ce foncier a été mis à disposition sous la forme d’un Bail Rural Environnemental. Pour cette installation, le Jardin de Cocagne a bénéficié d’accompagnements technique, humain et financier de notre part. Aujourd’hui, ils ont un projet de tiers-lieu alimentaire et nourricier collectif que nous soutenons, notamment avec une aide exceptionnelle de 90 000€.
L’introduction de produits bio en restauration collective
Depuis 2012, nous travaillons avec les communes sur leurs approvisionnements. Nous finançons des partenaires pour les accompagner et les sensibiliser à l’alimentation durable. Actuellement, 16 communes sont labellisées « Territoires Bio Engagées » sur le Douaisis. Il y a 24% de bio régional en moyenne dans la restauration collective du territoire, grâce à l’implication forte des élus locaux.
Au début, 4 communes ont mutualisé leurs cahiers des charges. En 2023, nous avons monté un groupement de commandes avec 17 communes (sur 26 communes en gestion concédée) adhérentes pour aller plus que loin que la loi Egalim. Cela représente 1 700 repas par jour, avec un prix de repas de 2,60€.
Le groupement de commandes permet de se donner des objectifs ambitieux, d’augmenter le pourcentage de bio, tout en maîtrisant les coûts. En effet, le prix du repas collectif correspond à la moyenne des 17 communes avant la création du groupement de commandes. Ce groupement a permis aux petites communes d’avoir des objectifs plus ambitieux sans impact sur leurs coûts.
Qu’est-ce qui a motivé votre adhésion au réseau des Territoires Bio Pilotes ? Qu’est-ce que cela vous apporte ? Quelles sont vos attentes ?
- Contribuer à un groupe d’échanges entre élus et techniciens pour partager des expériences, des bonnes pratiques et des points de vigilance ;
- Partager nos projets et avoir des regards extérieurs pour améliorer nos actions et réfléchir à leurs impacts réels pour le territoire ;
- Découvrir les initiatives des autres territoires, au travers d’échanges, présentations, voyages d’études ;
- Bénéficier de l’expertise de la FNAB et de ses relations avec l’écosystème national de partenaires institutionnels.