Un outil de mobilisation et de partage de connaissances
En 2021, le GAB du Morbihan s’est associé au PNR du Golfe du Morbihan et à un groupement de prestataires (Initial Paysagistes, Solagro et Collectif Paysages de l’après pétrole), pour mobiliser un public multi acteurs autour des enjeux climat et santé et lui faire traduire en image le paysage qu’il imagine sur son territoire pour demain.
« La Campagne des paysages d’Afterres2050 » : voilà le titre du projet initié par le PNR et le GAB 56 pour imaginer ce territoire de demain. Il a été monté sur la base de la mobilisation d’un « groupe de dialogue » composé de professionnels et de citoyens. Ce groupe a permis plusieurs choses :
- Identifier les sujets d’importance en matière de transition ;
- Démontrer concrètement une mise en application de la notion de démocratie alimentaire ;
- Utiliser l’approche paysagère pour apporter un œil nouveau ;
- Favoriser l’émergence de propositions innovantes.
Première étape : mobilisation et partage de connaissance
La première étape du projet visait la mobilisation et le partage de connaissances. De novembre 2020 à juillet 2021, 40 citoyens se sont mobilisés pour des visites de fermes bio, des rallyes filières bio, une visite de chantier ostréicole, un atelier sur l’alimentation et des échanges sur les pratiques de pêche embarquée et à pied. Le groupe de dialogue a pu s’imprégner des lieux, activités et acteurs du territoire et aboutir à des projections paysagères réalistes.
En parallèle, des rencontres entre agriculteurs et agricultrices et autres professionnels du territoire, ont eu lieu autour du thème de la résilience des fermes. Après six mois de terrain, le groupe s’est réuni pour formuler les enjeux qu’il considérait prioritaires. Pour cela, il s’est inspiré de lignes directrices issues du Plan National de Nutrition Santé et de la Stratégie Nationale Bas Carbone traduites dans le Scénario Afterres 2050 présenté par le cabinet de conseil Solagro.
Un outil pour se projet et dialoguer
Le groupe a ensuite décliné chacun des enjeux en « traductions paysagères » à toutes les échelles imaginables. De la cellule jusqu’à l’extra territoire, il a ainsi considéré l’impact sur le territoire de chacun des changements qui sera mis en œuvre.
Puis est venu le temps de la mise en images. Inital paysagistes a d’abord fourni une première esquisse avant de produire l’image qui servira de base de discussion pour les futures concertations sur la transition agricole et alimentaire.
L’image est déroutante. Elle n’est ni une carte où l’on reconnaîtrait le parcours d’un cours d’eau, ni une photo où l’on reconnaîtrait son clocher. Elle est une projection. Elle nécessite de s’y plonger, de prendre le temps de la visionner, voire d’en sélectionner des extraits. La biodiversité y tient une place prépondérante, elle est d’ailleurs la seule à bénéficier de la couleur.
De cette vision créative, il fallait imaginer une inauguration à la hauteur. Le 30 mars 2022, une vidéo commentée de l’image agrémentée de podcasts narratifs a été présentée au public, ainsi que des témoignages des membres du groupe sur l’extrait de l’image qui les touchait le plus.
Les 40 présents se sont laissés porter. Si elle est une vision trop engagée pour certains, elle est loin d’être révolutionnaire dans les projections qu’elle préconise pour d’autres. On y observe déjà des améliorations possibles comme celle de remplacer quelques-uns des agriculteurs dessinés par des agricultrices.
Résultats
Les résultats du travail sont de deux ordres :
- L’image et les ressources qui l’accompagnent (matrice contenant le détail technique des principes représentés sur l’image). Ces supports seront utilisés pour poursuivre la concertation sur la transition agricole et alimentaire auprès de tous les publics. Cette concertation doit renforcer le dialogue sur ces enjeux et permettre l’émergence d’une vision commune sur le territoire. Elle alimentera les réflexions des élus sur la politique du PNR sur la transition agricole et alimentaire.
- Le retour d’expérience sur le dialogue déjà animé. Ils réorienteront l’approche du PNR pour les futures concertations, sur la TAA mais également sur les autres sujets couverts par le PNR.
Les recommandations et orientations ne sont pas finales car le travail de concertation ne fait que commencer. On peut cependant souligner que les échanges dans le groupe de dialogue ont beaucoup concerné la place de l’arbre, la relocalisation de l’alimentation et des enjeux plus sociaux : connaissance et reconnaissance du métier d’agriculteur, bien-être, partage, éducation, transmission, etc., d’où une présence humaine importante sur l’image, non limitée aux agriculteurs.
Le groupe de dialogue s’est affranchi de l’aspect très technique du scénario Afterres2050 et a apporté une vision élargie de la transition.
CHIFFRES CLÉS
Groupe de dialogue constitué de 40 personnes
9 ateliers et visites terrain réalisés
3 groupes d’échanges entre professionnels du territoire
dont 25 agriculteurs·trices mobilisé·es
6 enjeux prioritaires pour le territoire ressortis de l’atelier animé par l’équipe d’INITIAL paysagistes avec l’appui de Solagro et du Collectif Paysages de l’Après-Pétrole en 2022
Le PNR du Golfe du Morbihan
Couvrant 33 communes autour du Golfe du Morbihan, le Parc naturel régional du Golfe du Morbihan est un territoire d’exception, composé d’une mosaïque de paysages, de bocages, de bois, de marais, de rivages de l’océan ou du Golfe, de villages, d’une multitude de patrimoines, de routes et de chemins.
À ses atouts paysagers s’ajoutent une faune et une flore très diversifiés et une identité culturelle et patrimoniale fortes, parmi lesquelles un patrimoine archéologique de renommée internationale, un patrimoine maritime remarquable, des arts et traditions populaires très vivants.
Dans un environnement de très grande qualité, il présente une croissance démographique importante, un vieillissement de la profession agricole et une pression foncière importante engendrant des difficultés d’installation, le développement de friches et une mutation des modèles agricoles.
La dynamique alimentaire locale se matérialise par exemple par le développement des circuits-courts, de la vente à la ferme et de projets de transformation.
PASCAL BARRET
Maire d’Arradon et délégué à la Valorisation économique : transition agroécologique et alimentaire et tourisme durable pour le PNR du Golfe du Morbihan
« La Charte du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan fixe comme objectif de maintenir et favoriser une agriculture durable, partenaire du territoire Golfe du Morbihan. Si l’on sait définir des critères de durabilité de l’agriculture en termes de changements climatiques, qualité des eaux, rémunération et qualité de vie des agriculteurs et agricultrices par exemple des questions perdurent quant à la trajectoire spécifique de la transition agroécologique et alimentaire sur notre territoire. Ces questions nous concernent tous, du producteur au consommateur, et notre alimentation a des conséquences majeures sur notre santé, nos paysages, notre économie, nos liens sociaux… Un Parc naturel régional étant un territoire d’expérimentation et d’innovation, c’est par ce prisme que l’agriculture durable est abordée. Ici, l’innovation est double : la transition agroécologique et alimentaire est traitée au travers d’une représentation désirée du paysage, sur la base d’une concertation citoyenne. Le travail réalisé n’est qu’une étape, il est à la fois l’initiation d’un dialogue renforcé et d’une meilleure démocratie alimentaire. »
CHRISTOPHE LEFÈVRE
Éleveur ovin viande bio à Vannes
« Ce qui me plaît dans cette image, ce sont les nombreuses haies bocagères, qui représentent une transformation très positive. Car en plus de nous offrir de beaux paysages, elles offrent un bel habitat pour la faune sauvage, et offrent en même temps de bonnes conditions de vie pour nos animaux d’élevage, puisqu’elles les protègent du vent, de la pluie et du soleil. Au final, ces haies bocagères permettent aux herbivores de vivre dehors une grande partie de l’année, et donc de faire de grandes économies d’énergie, en diminuant les besoins en litière et en fourrage. Les vaches, les moutons retrouvent une alimentation naturelle à base d’herbe pâturée, ce qui leur procure une meilleure santé et offre au consommateur des produits laitiers et carnés de meilleure qualité. Economiquement, ces systèmes herbagers permis par les haies bocagères sont très performants, car très peu coûteux en énergie fossile et donc très résilients. Par contre, le volume produit à l’hectare est moindre, ce qui est un frein très important pour les agriculteurs qui sont incités à produire davantage depuis l’après-guerre. Donc pour que ce paysage existe demain avec des belles haies bocagères, il va falloir des aides financières fortes, pour que ça ne soit pas qu’une image, et que ce soit réellement mis en place par les agriculteurs de demain. »
ROSÉLÈNE PIERREFIXE
Maraîchère bio à
Monterblanc
« J’ai rejoint le groupe de dialogue, dès le départ, à la fois en tant que maraîchère, membre du GAB mais aussi en tant que maman habitant le territoire. J’ai participé aux visites et aux rencontres, comme tout le monde. C’était très intéressant de découvrir d’autres productions, notamment la pêche, mais aussi de participer à l’atelier diététique, qui m’a fait évoluer sur certaines de mes pratiques à titre personnel. Il y a eu une chouette synergie entre citoyens, professionnels, techniciens et politiques. C’était vraiment une super démarche ! Néanmoins, à la présentation de l’image, il y a la petite déception de constater que certains discours ne bougent pas : « La société n’est pas prête. Le projet est trop ambitieux », a-t-on pu entendre. Je crois que la société est prête ! C’était justement très motivant de constater au cours de ce travail que de nombreux citoyens sont portés par les mêmes valeurs que nous. En ce qui concerne l’image elle-même, je la trouve très réussie, même s’il y aurait des petites choses à faire évoluer, comme le fait que l’agriculteur au premier plan est un homme ! Mais je retiens tout particulièrement dans cette image l’importance de l’arbre et de la trame bocagère, qui est à conserver à développer.