Passer en bio, est-ce rentable ?

Les collectivités locales sont nombreuses à inciter les agriculteurs de leurs territoires à passer en bio. Mais concrètement, est-ce rentable pour les agriculteur.trice.s ? La conversion participe-t-elle à améliorer la résilience des exploitations agricoles ? Retour sur quelques études récentes sur le sujet.

L’agriculture française fait face à de nombreux défis, autant en termes environnementaux et sociaux qu’économiques. Pour les collectivités qui veulent soutenir le secteur agricole de leur territoire tout en préservant les écosystèmes et en réduisant les émissions de GES, l’agriculture biologique (AB) présente de nombreux intérêts.

Le passage à la bio nécessite une évolution des systèmes agricoles impliquant des investissements initiaux importants alors que les rendements sont moins élevés qu’en conventionnel, il est donc pertinent d’évaluer la rentabilité économique du choix de conversion.

Dans son dernier rapport publié en août 2020, France Stratégie conclut que l’agriculture biologique « apparaît clairement comme la plus performante d’un point de vue économique et en termes d’exigences environnementales ». Ce rapport se base notamment sur des études du bureau de comptabilité CERFRANCE et de l’INSEE (sources en bas de l’article).

Un plus grande autonomie du modèle agricole bio

En 2017, l’INSEE a publié une étude qui compare des exploitations en agriculture biologique (AB) et en conventionnel (AC) et conclue que l’agriculture biologique est plus rentable économiquement pour l’agriculteur.rice que l’agriculture conventionnelle.

Cette meilleure santé économique s’explique par une plus grande autonomie avec une réduction des charges, des prix plus rémunérateurs grâce à une meilleure adéquation entre prix de revient et prix de vente, et enfin en moindre mesure par les aides spécifiques à la bio.

Pour ce dernier facteur, le bureau de comptabilité agricole CERFRANCE a montré que si les aides sont dans l’absolu plus élevées en AB qu’en AC, lorsqu’elles sont rapportées à la main d’œuvre (UTAF : Unité Travail Annuel Familial), le niveau d’aide est le même. Ceci s’explique par un besoin plus élevé en main d’œuvre sur les exploitations en AB qui ont en moyenne « près de 0,14 équivalent temps plein salarié par hectare en bio contre 0,08 en conventionnel » (INSEE, 2017). Ainsi, l’aide supplémentaire perçue par les exploitations en AB servirait à la rémunération d’emplois non délocalisables sur le territoire.

C’est pour cela que France Stratégie recommande de prendre en compte l’intensité de main d’œuvre à l’origine des surcoûts pour soutenir l’agriculture biologique car elle présente des bénéfices économiques pour les exploitants qui respectent de hautes exigences environnementales.

De plus, la main d’œuvre en AB est en moyenne mieux rémunérée (plus de 30 000€ par an contre 20 000€ en conventionnel) et ce revenu est plus stable que le conventionnel qui est beaucoup plus vulnérable aux aléas climatiques ou aux fluctuations des prix du marchés. En 2016, le revenu moyen en AC est tombé à moins de 10 000€ alors qu’en AB il s’est maintenu juste au-dessus de 30 000€ (voir figure 1).

 

En ce qui concerne la santé économique des exploitations en AB, l’analyse de CERFRANCE conclut aussi en faveur de l’AB. En effet, même si le taux d’endettement est plus important pour ces exploitations, le niveau plus élevé d’Excédent Brut d’Exploitation (EBE : Valeur ajoutée + Subvention – Impôts, taxes et versements assimilés – charges de personnel) est suffisant pour couvrir les annuités, les prélèvements privés ainsi que la marge de sécurité qui est toujours positives contrairement aux exploitations en AC qui se retrouvent à chaque crise avec un solde négatif (voir figure 2).

 

Dans son étude l’INSEE a aussi évalué la rentabilité économique d’exploitations en rapportant l’EBE aux capitaux permanents en systèmes AB et AC pour des productions maraîchères, viticoles et laitières. Pour les trois types de production (voir figure 3) les systèmes AB ont un meilleur retour sur investissement, avec une différence significative de 30 points en maraîchage (64% en AB vs 34% en AC).



Ces meilleurs indicateurs économiques des exploitations en AB témoignent d’une meilleure santé financière comme l’a montré l’étude Agriscopie Occitanie (CERFRANCE, 2016) qui a comparé 54 exploitations en grandes cultures AB, dont la moitié s’était converti en 2010, avec le même nombre en AC.

Une meilleure santé financière

Agriculture Biologique en Picardie (ABP, aujourd’hui Bio en Hauts-de-France) qui a mené une étude sur la résilience des exploitations en AB et en AC, s’est penchée sur la période de la conversion pour des exploitations céréalières et d’élevage bovin. Elle a observé que la partie de l’échantillon en conversion avait une forte variabilité (du simple au triple) de l’EBE. Pour expliquer cette grande variabilité qui s’estompe par la suite lorsque les exploitations sont certifiées AB, Bio en Hauts-de-France a mis en relation la rentabilité avant conversion à celles des années de conversion. Elle a constaté qu’il y a une équivalence forte car « les exploitations en AC avec un bon niveau de rentabilité conservera ce niveau de performance et inversement » (ABP, 2017). Ainsi, il semblerait que convertir son exploitation offre forcément un avantage car l’agriculteur.rice ne pourra qu’augmenter sa rentabilité.

D’ailleurs, France Stratégie montre dans son étude que pour un.e agriculteur.rice en conventionnel qui souhaite changer de système, l’AB « est le seul mode de production dont notre modèle [d’évaluation] montre des bénéfices à la transition ». Mais les auteurs mettent aussi en garde qu’à cause de la suppression des aides au maintien, les agriculteur.rices en bio dans certaines production (en se basant sur les exemples des céréales en Occitanie et du bovin viande en Bourgogne) ne seront plus rémunérées pour les services environnementaux rendus, et les prix hauts ainsi que les charges faibles ne pourront pas compenser le manque à gagner.

Ces études montrent en comparant des données objectives que soutenir l’installation et la conversion en AB, notamment pour faciliter la construction du projet, les premiers investissements et la rémunération des services environnementaux rendus, est une bonne stratégie de développement économique pour les territoires : meilleure santé financière, stabilité et   meilleure rémunération du travail. De plus la viabilité économique des exploitations en AB contribue à leur pérennité dans le temps, garantissant la production locale  et donc permettant de sécuriser un approvisionnement alimentaire local et durable pour les habitants.

Sources :

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